Nous ne pouvons pas parler de douceur, mais après les
températures quasi polaires ressenties pendant une semaine, le temps paraît
printanier.
Les Amuriens l’ont
bien perçu et un groupe de 28 adhérents renforcés par quelques amis marcheurs se
retrouvent au parking des Rochers du Carnaval à Uchon pour un parcours quasi
calqué sur le sentier de découverte forestière d’Uchon.
Nous ne nous en lassons
pas, chaque saison apportant un habillage différent au paysage. Aujourd’hui,
les étangs sont encore recouverts de glace, une glace à laquelle le redoux
donne une teinte gris foncé.
Nous redécouvrons dans l’ordre l’Etang Neuf, les étangs du Prieuré, l’étang Taupin, la Pierre
qui Croule, la Griffe du Diable et une gravure sur un rocher dont nous n’avons
toujours pas percé le mystère.
Légendes d’Uchon
La Pierre qui croule.
Au milieu du
XIXe siècle, la « pierre qui croule » d’Uchon, galet de granit de
huit mètres de large et de 2 mètres 30 de haut, pesant plus de 20 tonnes et
situé à l’orée du bois d’Escrots, jouissait
d’une propriété curieuse, celle d’osciller du nord au sud à la moindre pression.
C’était mystérieux et divertissant.
Les savants expliquaient déjà prosaïquement le
phénomène : la « pierre qui croule » et son support, appartenant
à la catégorie des granits porphyroïdes tendant à se décomposer, les parties
exposées aux intempéries, depuis des siècles, s’effritèrent peu à peu. Seuls,
les points de contact échappant à cette décomposition, formèrent un pivot
naturel qui, par sa position légèrement oblique, permettait un déplacement
facile du centre de gravité.
Mais pour les habitants, la « pierre qui
croule » était auréolée de surnaturel. Les anciens, paraît-il, la
consultaient comme un oracle, et leurs descendants, vigilants gardiens des
traditions ancestrales, la prenaient encore pour arbitre. Seulement, par une
singularité de leur nature, ils l’avaient transformée en juge spécialiste de la
fidélité conjugale.
Quelque mari jaloux concevait-il des doutes sur la
sagesse de son épouse ? Il l’amenait de gré ou de force à la « pierre
qui croule ». Et là, de son doigt tremblant, l’inculpée devait mettre le
juge en mouvement. Le nombre des oscillations fixait, sans erreur possible, le
soupçonneux conjoint sur son bonheur ou son infortune.
Que de drames, que de comédies se jouèrent à l’ombre
du rocher ! Les bonnes langues disent même que certaines villageoises à
l’âme inquiète venaient en cachette s’exercer à risquer l’épreuve. Néanmoins,
la « pierre qui croule » était la terreur des petites Morvandelles à
tête folle, la bête noire aussi de tous les coqs de village. Une longue rancune
s’amassait contre elle et devait, tôt ou tard, causer sa perte.
C’est en l’année 1869 que l’événement survint.
Mortifiés par les méfaits de la pierre, naïvement curieux, surtout, d’en
connaître le secret, les gars du pays, par un beau matin, s’acheminèrent au
bois d’Escrots avec des cordes, une paire de bœufs et des leviers solides. Ils
arrivent, lient étroitement le roc et attellent les bœufs à la corde. Puis, les
leviers posés, l’attaque commence dans un effort combiné de pesées et de
tractions. Comme surprise d’abord, la pierre vacille désespérément, mais
résiste. Et c’est en vain que, tendue par les bœufs, la corde grince ;
c’est en vain que les hommes halètent dans une poussée rageuse : le bloc
les nargue et paraît inébranlable.
Alors les assaillants se piquent au jeu. On court
chercher du renfort, l’attelage est doublé, l’assaut recommence furieux. Cette
fois, la pierre, lasse de tant d’affronts, après une oscillation suprême,
quitte son pivot, se déplace de quelques pouces et se condamne pour toujours à
l’immobilité. Ce fut tout ! Une bande de niais venait, en une heure, de
détruire l’œuvre patiente des siècles. A présent, rien n’est changé.
Le roc est toujours là, énorme sur son socle de
granit. Mais, ne l’interrogez plus, son âme est absente. Absente ? En
est-on sûr ? Arc-boutez-vous contre la pierre ; imprimez-lui une
secousse et vous la sentirez tressaillir. Un rien, peut-être lui rendrait la
vie, et quelque puissant vérin, prudemment secondé par des coins mis à propos,
suffirait sans doute à rétablir l’oracle.
Légende de la Griffe du Diable
Au fait,
voici la griffe du Diable qui n’est rien moins que rassurante. C’est une roche
haute de trois mètres et mesurant douze mètres de tour, tombée, on ne sait
comment, en équilibre sur un socle. Elle porte dans ses flancs une large
empreinte produite par des érosions naturelles et qui ressemble à une griffe
colossale. A ses pieds, l’amoncellement des pierres donne l’impression d’un
caméléon apocalyptique préposé à sa garde.
Comment une pareille mise en scène n’inspirerait-elle
pas la légende ? Et celle que l’on conte est si vieille, qu’elle est,
depuis bien longtemps, reçue dans la tradition. Pour Uchon, c’est de
l’histoire. L’action se perd dans la nuit des temps, mais on sait qu’elle se
passait à l’époque lointaine où les habitants de Toulon avaient décidé de
jeter, sur l’Arroux, un solide pont de pierre. On procédait alors à peu près
comme aujourd’hui, et plusieurs concurrents briguaient l’adjudication des
travaux. Or, si le prix proposé paraissait rémunérateur, les conditions étaient
dures. L’une d’elles notamment, plus dangereuse, fixait, pour l’achèvement du
pont, un délai trop court à dire d’experts. L’inexécution de cette dernière
clause entraînait retenue de la moitié du paiement.
Effrayés par ces exigences, les entrepreneurs
d’alentour s’étaient retirés les uns après les autres, peu soucieux de risquer
la ruine pour un gain peut-être illusoire. Un jour, survint à Toulon une sorte
d’aventurier, maître maçon ambulant, comme il s’en trouvait au Moyen Age,
habile de son métier, d’ailleurs, et confiant en son expérience. D’où
venait-il ? Du Nord, croit-on. Il menait à sa remorque une gracieuse
enfant, sa fille, à qui de grands yeux bleus dans un visage pâle auréolé de
cheveux d’or donnaient un charme indéfinissable.
A peine arrivé, le maçon s’enquiert. Il apprend qu’un
pont est à construire, examine les charges imposées, et, plus audacieux que ses
confrères, prend l’engagement de livrer le travail en temps voulu. Il se met à
l’œuvre, engage ses ouvriers et pousse activement les travaux. Cependant, le
temps presse et bien que l’arcade soit menée bon train sur ses étais habilement
combinés, voici venir la veille de l’échéance fixée pour la livraison du pont,
et, par une erreur incompréhensible, la clef de voûte manque. Il faudrait une
énorme pierre pour combler le vide et parachever l’œuvre.
Où la trouver ? On n’en connaît pas sur
place ; Uchon seule pourrait la fournir. Mais Uchon n’est pas proche et le
transport d’une telle masse, si tant est qu’il soit possible, exigerait
plusieurs jours. Le maçon perdra-t-il donc le bénéfice de son industrie ?
Le pauvre homme se désespère et s’arrache les cheveux. Au demeurant, il n’était
point dévot et plutôt que d’invoquer le secours du Ciel :
« Holà ! S’écrie-t-il, Messire Satan, venez à mon aide, et vous n’en
serez point leurré. » Rarement le diable se mêle ostensiblement des
affaires des hommes. Il n’en finirait plus de répondre à tous les mécréants qui
l’invoquent. Mais il a parfois son idée et se montre quand il lui sied.
Cette fois,
Satan mûrissait un projet. Ce maître en laideur et en corruption voyait d’un
œil haineux croître en sagesse et en beauté la fille du constructeur. Rebelle à
ses instigations, la belle enfant nourrissait en son cœur l’amour le plus
chaste pour un brave garçon qui secondait son père avec intelligence. Le jeune
homme, violemment épris de ses charmes lui avait demandé sa main et tous deux,
fiancés désormais, n’attendaient que l’achèvement de l’entreprise pour obtenir
le consentement paternel.
Trop favorable était l’occasion, le diable parut. Dans
sa hâte, il n’avait pas pris le temps de se donner une apparence décente. Aussi
n’était-il pas beau ! Sa longue tête grimaçante, ornée d’une barbe de
bouc, d’oreilles de loup et de deux cornes sinistres, ballottait sur un corps
noir efflanqué, de stature colossale. Ses pieds et ses mains se terminaient en
griffes, et, sur son dos, deux longues ailes nervées comme celles des vampires,
se repliaient, au repos, avec un bruit de papier froissé. « Or ça ! Tu
réclames mes services ? Je suis à toi, bonhomme ; mais rien pour
rien, à bon entendeur salut ! »
Puis, de sa voix tantôt rauque, tantôt
glapissante : « Je vois d’ici, parmi les roches d’Uchon, la pierre
qui, sans équarrissage, sera ta clé de voûte. Demain je te la baillerai avant
l’aurore. » Tremblant, d’abord, et médusé par la frayeur, le maçon s’était
ressaisi. L’appât du gain l’endurcissait. « Oui bien, dit-il, mais
qu’exigerez-vous en échange ? Mon âme, peut-être ? - Ton âme ne vaut
pas qu’on se dérange. Non, ce qu’il me faut, c’est ta fille. - Ma fille ? Vous
plaisantez, elle n’a point seize ans ! - Il me la faut, te dis-je, ou
tire-toi d’affaire. »
Certes, le constructeur n’était pas un père modèle,
mais la prétention du diable lui parut si monstrueuse, qu’il résista longtemps.
Cependant, Satan voulait sa proie. Tantôt persuasif, tantôt menaçant, il fit
tant et si bien que le malheureux père, grisé par ses promesses de fortune, se
laissa tenter. Au bout d’une heure, il apposait sa signature sur le contrat
livrant sa fille au diable, à condition que la clé de voûte lui soit apportée
secrètement la nuit suivante, avant que le coq n’eût chanté. Satan avait partie
gagnée. Satisfait, il étendit ses ailes et prit son vol en ricanant. A peine
eut-il franchi l’horizon qu’un homme effaré surgit d’un buisson et prit sa
course vers la ville. C’était le triste fiancé, involontaire témoin du marché
criminel qui allait briser sa vie.
Haletant, il accourt près de la jeune fille, et lui
conte tout ce qu’il vient de voir et d’entendre. Terrorisés, les pauvres
enfants vont se jeter aux pieds de la Madone. Et soudain, le jeune homme se
relève, une inspiration lui vient. Sans perdre une minute, il se munit d’un
sac, glisse au fond le coq le mieux gorgé du bourg et s’élance vers le pays
d’Uchon. Cinq lieues l’en séparent, mais le danger lui donne des ailes. Avant
minuit, il atteint le sommet de la montagne et se blottit contre un rocher. La
nuit est belle, la lune étend partout ses rayons blafards. Bientôt, un
gigantesque oiseau de nuit grossit dans le ciel et vient planer sur la
montagne. Il tournoie, descend et s’abat sur une roche comme un vautour sur sa
proie.
C’est Satan.
Il saisit le bloc entre ses griffes et, de nouveau, s’élève dans les airs. De
sa cachette, le jeune homme a tout vu. Prestement, il tire du sac le coq
endormi, le secoue et, bien en face de la lune, le perche sur le roc. Réveillé
en pleine nuit, le chanteur matinal s’imagine voir l’aurore, et, de sa voix la
plus claironnante, jette vers le ciel son cri de triomphe. Tout aussitôt
déchire l’espace un affreux blasphème répercuté par les échos de la montagne.
Dupe de l’ingénieux fiancé, Satan croit son marché rompu. Ses griffes se détendent,
ses bras s’ouvrent et le rocher fend les airs pour retomber avec fracas sur le
granit qui, depuis lors, lui sert de piédestal.
Telle était la dureté de la pierre, que le choc ne la
brisa point ; mais, la griffe du diable, brillant des ardeurs de l’enfer,
s’y était incrustée. L’empreinte en est visible et demeure en témoignage de
l’histoire. Vainement, au point du jour, le constructeur attendit sa clé de
voûte. Satan fut infidèle et le maçon encourut la déchéance. Mais, tandis qu’il
se lamentait, vinrent à lui les deux fiancés. La joie qui rayonnait sur leur
visage avait assez d’éloquence. Et comprenant enfin son ignominie, le père
dénaturé implora son pardon. Ici se termine le récit.
Le bois, une des ressources du village.
La fontaine près de la maison du peintre.
Qui nous éclairera sur cette gravure mystère ?
Chaos à foison. Difficile de choisir.
Une déclaration d'amour gravée pour un siècle, à moins que...
Gros plans et panoramas
Et comme toujours après chaque marche...
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