Visite du Marché de St Christophe en Brionnais

Nous ne vous avions pas encore fait un compte-rendu de notre escapade au marché aux bestiaux de St Christophe en Brionnais.
C'est que notre chroniqueur, expert en interviews, a voulu interroger non pas un témoin plus ou moins fiable mais un acteur (dans le cas présent une actrice) de cet événement hebdomadaire. Il a utilisé un "translator", appareil ultra sophistiqué mais de fonctionnement encore assez lent, capable de traduire en français beuglements et postures significatives.

Voici le résultat de l'entretien.
    
Extrait du journal de Carla.
Cinq heures du mat’, j’ai des frissons. L’Raymond ouvre la porte de l’étable et allume. Aïe, ça sent le roussi : il s’est déguisé en maquignon, avec ses bottes propres, sa blouse noire 100% tergal et sa canne jaune. Avec son grand nigaud de fils (la patronne est pas là, la foire, c’est une affaire d’hommes), ils nous poussent dans le camion, la Blanchette et moi. Moi, c’est Carla. J’ai pas vraiment la taille mannequin, mais l’pépère, il fantasme un peu ; il me verrait bien en première vache de France.
Tiens, dans le camion, il y a déjà Chouchou. C’est une espèce d’excité qui s’en croit mais qui n’a jamais rien fait de bon. A la ferme, ils essaient de s’en débarrasser, mais rien à faire, personne n’en veut. 
Et nous v’la partis pour une série de virages à vous retourner la panse, le feuillet, la caillette et même le bonnet.
A l’arrivée, le grand barnum commence ; on nous parque par lots, on nous colle des étiquettes sur le dos et faut attendre son tour pour la piste aux étoiles, sans Roger Lanzac. Pendant ce temps, l’Raymond et son rejeton vont s’envoyer une chopine au « Mur d’argent », le rad préféré des blouses noires. Ils reviendront juste à temps pour décider de notre sort ; mais attendez, on y arrive…
Nous, avec Blanchette, on passe le matin, au marché au Cadran ; on forme un joli p’tit lot, toutes les deux. C’est à nous : on entre dans l’arène, le ring, comme ils disent. Un zigoto dans son habit de paysan, faute d’habit de lumière, nous accueille avec un grand bâton. Un vrai tortionnaire : il nous fait tourner sur une piste circulaire, on s’affole, on dérape. Depuis les gradins, les Men in black aux mines patibulaires nous zieutent. Dans sa cage de verre (ils l’ont enfermé ?), un jeune godelureau aux allures de trader fou débite des nombres à toutes berzingues. Derrière nous, s’affiche tout notre pédigrée : âge, taille, poids, sexe, race, état sanitaire ; que fait la CNIL ? Ils appellent cela la traçabilité. En moins de deux, c’est torché ; on évacue, poussée par le zigoto. Le tableau affiche « Invendu » ; l’pépère, planqué dans un placard à balai à côté de la cage du fou, a pas voulu nous brader au prix de la dernière enchère ; il nous aime trop, c’t  homme-là, ça le perdra. Nous v’la bonnes pour un retour à la ferme.
Chouchou, lui, se produit en  « matinée » (c’est à dire dans la logique des humains, l’après-midi). C’est l’autre marché, dit de gré à gré.  On aligne nos potes le long des barrières, serrés les uns contre les autres. Les tractations débutent ; nous on y comprend rien mais on devine que si on est embarqué là-dedans, ça n’annonce rien de bon pour notre matricule : tremble, carcasse ! Les chevillards jaugent, tripotent (bande de pervers, on dirait le grand Jacques), discutent, refusent ou achètent. Et pour les malheureux élus, commence le grand voyage, terminus la chambre froide.
Quand tout est fini, on reste avec Chouchou sur les pattes : on n’a pas encore réussi à le fourguer ;  peut-être à la grande foire de 2012…
Rob d'La Tagnière

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