Les Seize écluses, Canal du Nivernais


Le canal du Nivernais


Il relie la Loire à l’Yonne de Saint-Léger-des-Vignes (189 m) à Auxerre (98 m) en franchissant un bief de partage à 262 m. Il comprend 116 écluses sur 174 km. Menacé de fermeture dans les années 60, il est sauvé, en grande partie par l'action de Pierre-Paul Zivy (le Z de Kazed !), pour la plaisance et est considéré maintenant comme un des plus beaux d’Europe.

Le canal est alimenté par les étangs réservoirs de Vaux, Baye et Pannecières-Chaumard, par des passages dans le lit des rivières (râcles) et plusieurs prises d'eau sur l'Yonne et la Cure.

Histoire de la construction

Le bois du Morvan s’avérant insuffisant pour alimenter Paris au cours des hivers rigoureux, des travaux sont entrepris en1784 pour créer un canal à écluses qui permettrait à des bateaux de remonter les buches du Bazois jusqu’à la ligne de partage des eaux entre Loire et Yonne. De là, on rejoindrait le système de flottage en place depuis le XVIème siècle dans la vallée de Sardy, moyennant une rigole en partie souterraine, qui les emmènerait dans l'Yonne puis à Paris. Au vu de l’avancement des travaux en 1786, il est décidé d'en faire un vrai canal de Loire en Seine, par l'Yonne. Les travaux seront suspendus par la révolution jusqu’en 1822. Le chantier connut encore bien des vicissitudes, et le canal fut totalement ouvert en 1841 seulement. Cependant, le flottage se poursuivra, parallèlement à la navigation, jusqu’en 1923.

Le bief de partage


Sur 4 km, le canal franchit la ligne de partage des eaux à une vingtaine de mètres sous le niveau du sol par une tranchée profonde et des tunnels. La première voûte de 760 mètres a été percée dans un mélange de roche très dure et de glaise. On voit les traces d’un éboulement qui, dit-on, ensevelit 70 bagnards au cours du chantier, lequel a fait de nombreuses autres victimes. Trois puits d’extraction aèrent et éclairent (faiblement) l’ouvrage. Un marchepied de 80 cm de large a servi au halage humain des bateaux jusqu’à l’installation d’un toueur à chaine en1901.

Les deux autres tunnels (268m et 212m) ont été construits « à ciel ouvert » pour pallier l’instabilité des terrains.

Un pont franchit la tranchée pour desservir les ruines d’une ferme. On dit qu’il a été construit par l’ingénieur … amoureux de la fermière.

Philippe Fougerolle (1806-1883) un maçon de la Creuse participa à ces travaux, à l'issue desquels il a fondé l'entreprise Fougerolle en 1844. Aujourd'hui cette entreprise est intégrée au groupe Eiffage.

L’échelle de la Vallée de Sardy


A partir de la fin de la tranchée, à Port Brulé, seize écluses dévalent les 40 mètres de la vallée sur 3,5 km. Il faut environ 5 heures à un bateau pour les franchir, accompagné par une équipe d’éclusiers itinérants. Chaque écluse était dotée d’une maison éclusière, dont certaines sont occupées actuellement par des artistes :

- Gérard, dit « l’Indien », ancien éclusier, grand routard, remarquable photographe, chez qui il fait bon s’arrêter pour déguster du thé et des histoires, au milieu d’un bric-à-brac de génie.

- Virgil, sculpteur sur pierre, qui parsème la vallée de ses œuvres et de celles de ses amis.

- Un potier de chez qui il est difficile de repartir les mains vides …

- En saison, à la dernière écluse, l’office de tourisme de Corbigny délègue une dame qui propose livres, cartes ; boissons et informations diverses sur le canal. (Et notamment le livre qui sait tout sur le canal :
« Un canal qui faillit être une impasse »)

On retrouve d’anciennes carrières de porphyre qui on fait un temps le renom de la vallée. Il reste même quelques rails d’un « Decauville » qui transportait les pierres jusqu’à un concasseur installé avant la dernière écluse, où les bateaux étaient chargés.


Le gabarit des écluses


En 1820, une première tentative de normalisation des écluses a été engagée par François Louis Becquet (Directeur Général des Ponts et Chaussées) : 30 x 5,20 mètres.

Par une loi du programme de 1879, Charles de Freycinet promeut une norme européenne qui porte la dimension des sas d'écluse à 40 m de long pour 5,20 m de large, afin qu'elles soient franchissables par des péniches de 300 ou 350 tonnes avec 1,80/2,20 m de tirant d'eau. Suite à cette norme, de nombreux travaux ont été engagés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle pour moderniser les canaux et harmoniser la navigation fluviale.

Ces travaux ont été engagés à partir de 1880 aux deux extrémités du canal du Nivernais mais interrompus par la concurrence du chemin de fer. Le canal reste inaccessible aux bateaux de commerce dans sa partie centrale, (de l’avant-dernière écluse de notre vallée jusqu’à Cercy-la-Tour), ce qui a accéléré sa désaffection et a failli provoquer sa fermeture.

Qui a inventé l’écluse


Pas Léonard de Vinci comme on le prétend si souvent. Marco Polo en aurait ramené le principe de Chine. Pas sûr (D’ailleurs on ne sait pas s’il y est réellement allé ou s’il en aurait seulement entendu parler par des marchands !). Par contre on trouve encore des traces de bassins fermés par deux pertuis à aiguilles, notamment sur l’Ourcq et le Thouet (en Vendée) datant du début du XVème siècle. En revanche, on doit à Léonard d’avoir perfectionné le système en dessinant le sas maçonné et les portes busquées.

1 commentaire:

Blue_Berry a dit…

Bonjour. Article sympa. Mais deux-trois petites erreurs. Louis Becquey (avec un Y et non un T) a bien réussi sa "tentative" de normalisation des voies navigables. Son gabarit de 31 m sur 5,20 m a été appliqué sur presque tous les canaux qu'on a construits à cette époque, ainsi que sur les rivières qui ont été canalisées. (voir http://projetbabel.org/fluvial/becquey.htm). Freycinet n'a fait que reprendre ses idées sur le plan technique (mais pas le montage financier). Le gabarit Becquey permettait le passage de bateaux de 180 tonnes PTC, alors que le gabarit Freycinet permet celui de 300 tonnes PTC (pas plus) avec un tirant d'eau de 1,80 m dans un mouillage de 2,20 m. Enfin le Thouet qui possède 3 paléo-écluses, n'est pas en Vendée mais en Maine-et-Loire, juste au sud de Saumur. J'ai l'impression que vous tirez les infos sur le Thouet et l'Ourcq de mon ouvrage "Du Pertuis à l'Ecluse" paru il y a 20 ans au Musée de la Batellerie de Conflans-Ste-Honorine. J'ai remanié cet ouvrage il y a 5 ans, il contenait quelques inexactitudes et approximations ou incertitudes : http://projetbabel.org/fluvial/librairie.htm#DPAEpdf. Dans quelques jours, je devrais parcourir une nouvelle fois ce beau canal du Nivernais pour emmener un bateau hollandais de 1878 depuis La Chapelle-Montlinard (sur le canal Latéral à la Loire) à Migennes, au chantier de Simon Evans. Bien cordialement.