Trois jours au Lac du Der

Communiqué  de la LPO de Champagne-Ardennes  
Comme chaque année en cette période, de très nombreuses  grues, oies cendrées et autres migrateurs font à nouveau étape pour quelques jours au Lac du Der. Mais on nous signale également le passage inattendu de drôles d'oiseaux dans la région.




D'après les observateurs, il s'agirait d'un couple de marmignots edithus-bernardus, d'une marmignote marie-clarus huppée, d'un courlis daniélus certenol, d'un couple de fourillots véloces, d'une aigrette durix de sinvalier et d'une catarinette enrouée. Tous apparemment de la classe des amuriens vinicoles, et non pas arénicoles comme certains ornithologues l'ont cru au départ.
 

Mardi 15 octobre

L'étrange escadron a trouvé refuge dans une maison à pans de bois à Droyes, Haute-Marne, aux alentours de midi. Après avoir pris possession de leurs nids respectifs et  cassé une petite graine,  on les a vu s'envoler, sous une pluie battante, vers l'office du tourisme du Lac du Der puis à l’écomusée du même nom. C’est du jardin potager qu’ils voient leur premier vol de grues cendrées rejoignant le lac pour le coucher.
 La nuit venue, on perd trace des étranges volatiles mais on suppose qu'ils ont trouvé une petite auberge  accueillante dans les environs avant de regagner Droyes.
 
Mercredi 16 octobre
Malgré un ciel gris menaçant, malgré les flaques d'eau et la boue des chemins, on retrouve notre petite troupe en bottes caoutchouc, sur le circuit des étangs d'Outines et d'Arrigny. Ils semblent en forme, sans doute ont-ils pris un petit déjeuner copieux et délicieux. On les voit parcourir les 8 km sans difficulté, d'autant plus que le soleil fait une timide percée. Ils prennent le temps de s'arrêter, d'observer à la jumelle une aigrette blanche, des canards colvert, un héron cendré, des grues au loin posées dans un pré ...
Ils consacrent l'après-midi à la visite des nombreuses églises à pans de bois des environs, jusqu'à la nuit tombée et le retour de la pluie.
 
Jeudi 17 octobre
Les grues se lèvent à l'aube, quittent le lac et vont passer la journée dans les champs pour se nourrir. Nos visiteurs, eux, prennent sans doute leur temps à la table du petit déjeuner puisqu'on ne les retrouve qu'à 9h30 au bord du Der où ils rencontrent Antoine, un guide ornithologique passionnant et passionné qui va leur ouvrir les yeux sur les oiseaux du lac et des étangs d'Outines et Arrigny. Rien ne vaut une lunette de spécialiste pour admirer les plumes vertes de la sarcelle  d'hiver, le bec effilé du courlis cendré, les oies cendrées, les cormorans noirs, les premiers cygnes de Bewick ou la silhouette majestueuse de l'aigrette blanche.
 Les huit amuriens vinicoles ont repris la route de la Bourgogne en milieu d'après-midi. On les aurait aperçus une dernière fois sur les remparts de Langres. Mais s'agissait-il bien de nos drôles d'oiseaux ?
Ils n'auront fait qu'un rapide passage en Champagne. Peut-on espérer les revoir au printemps ? Les ornithologues du coin se posent la question.
 
AMUR-INFOS

A huit heures, ce mardi 15 octobre, un double quatuor d’Amuriens met le cap sur la Champagne humide.
Nous arrivons en avance. Une visite express du village de Droyes, notre port d’attache, nous réserve une énigme. Quelle est cette statue découverte pendant la visite de l’église ?
 
 
 La statue mystérieuse représente Sainte Catherine d'Alexandrie avec ses attributs: la roue de son supplice, l'épée avec laquelle elle fut décapitée Quant à la tête couronnée à ses pieds, il s'agirait de l'empereur Maximin (ou Maxence) qui ne lui voulait pas que du bien.
  




La suite

 
                                                 
Le four à pain

Pique-nique à l'intérieur

A midi, notre hôtesse nous accueille dans une maison à pans de bois de 1843, maison d’hôtes de charme 4 épis avec deux chambres spacieuses : une suite pouvant accueillir cinq personnes  et qui possède un vaste salon idéal pour nous retrouver tous les huit et la chambre du Four à Pain, elle aussi très coquette pour loger trois autres membres du groupe.

L’après-midi est consacré à la visite de l’écomusée du Der, la Champagne humide justifiant son nom. Une église sauvée des eaux, une mairie-école, un pigeonnier et aussi des bâtiments à pans de bois, une forge, une étable sans oublier un potager, un jardin de curé, un jardin des insectes  et un jardin médicinal un peu décevants en ce mois d’octobre, un poulailler, des lavandières et des scieurs de long… et bien sûr, l’histoire du lac nous occupent un long moment.


Jardin de l'écomusée


 



Eglise de  Nuisement  sauvée des eaux




Trois villages fantômes dorment au fond du Lac du Der : Chantecoq, qui n’entendra plus chanter ni bêtes ni gens, Nuisement, perdu dans la nuit des profondeurs aquatiques, et Champaubert, réduit à l’état de champ de ruines englouties.


C’est en 1974 que ces trois localités, ou plutôt ce qui en restait après le passage des bulldozers, furent submergées par les eaux de la Marne. Ainsi naquit le  réservoir  du Der,  le plus grand lac artificiel d’Europe jusqu’à ce qu’il soit détrôné par le lac d’Alqueva au Portugal.


Un drame humain destiné à en éviter un autre : les crues catastrophiques de la Seine à Paris ; les habitants de la capitale gardaient le souvenir funeste des inondations dévastatrices de 1910 et 1924. Le sort de quelques Champenois pesait bien  peu face aux intérêts de la ville lumière,  réjouie de voir le Champagne couler à flots, mais marrie de se voir envahie par les flots  de la Marne et de la Seine réunies. Fluctuat nec mergitur, d’accord, mais faut pas exagérer…


Le lac du Der s’étend sur 4800 hectares, soit 48 km2 (l’équivalent d’un carré de 7 km de côté) ; sa contenance est de 350 millions de m3, ou encore 350 milliards de litres. La production de Champagne, quant à elle, a totalisé 225 millions de litres  en 2012, ce qui représente moins d’un millième de la capacité du Der ; pas de quoi saouler une grue au cas fort improbable où le divin breuvage se répandrait dans le lac.

Nous connaissons, nous autres en Bourgogne, le lac de Pannecière, créé en 1949 afin de calmer les rugissements de l’Yonne. Il consiste en un barrage établi sur le cours même de la rivière, qui traverse le lac du nord au sud. C’est ici le brave vieux granite du Morvan qui assure l’étanchéité. Les dimensions du lac font pâle figure devant le Der : 520 ha ;  5,2 petits km2 seulement.

La retenue du Der est conçue selon un autre principe : elle a été créée à l’écart du lit de la rivière, dans le bocage champenois, vaste cuvette étanche grâce à l’argile de Gault (sans Millau, n’en déplaise aux gastronomes). L’eau y est conduite depuis la Marne par un canal d  ’ « amenée », de décembre à juin, afin d’éviter les crues d’hiver et de printemps. Elle est ensuite rendue à la rivière de juillet à novembre par l’intermédiaire du canal de « restitution », pour venir en aide aux rivières qui sont à leur niveau d’étiage. Et ça marche ! Un beau succès du génie gaulois.


Le GR passe sur la digue


Cet ouvrage aura aussi permis l’existence d’une importante réserve ornithologique, que quelques Amuriens décidèrent de  visiter en cette humide mi-octobre.


Le retour au gîte réserve une surprise aux occupants du four à pain : pas d’eau chaude suite à une panne de chauffe-eau. La bouilloire électrique n’est-elle pas à sa manière un chauffe-eau, suffisante pour une toilette comme dans le bon vieux temps ?


On nous a recommandé un petit restaurant, l’auberge du Pot Moret à Châtillon sur Broué .  Nous ne sommes pas déçus à tel point que nous retenons pour le lendemain soir. Il faut ajouter que la serveuse est sympathique réagissant avec complaisance aux facéties de Bernard et Robert. Même le vin de Haute Marne est buvable. 


 
Mercredi matin, temps correct. Nous pourrons faire le circuit de 8 km prévu… à condition que le petit déjeuner qui nous attend ne s’éternise pas. C’est copieux et bon, en particulier les yaourts maison.


 
Nous voyons enfin des vols conséquents de grues. Le sentier est bien balisé mais les postes d’observation ne sont pas signalés si bien que nous en manquons deux. Voilà un champ de maïs fraîchement moissonné. Des restes de panouilles feraient le bonheur de nos migrateurs s’ils n’étaient pas effrayés par le remue-ménage d’agriculteurs occupés à déplacer des bovins.



 
Le tracteur nous double mais l’agricultrice qui suit dans un utilitaire s’arrête à notre hauteur. Elle continue de travailler en dépit de ses 79 ans. Nous comprenons sa démarche, toute commerciale. Elle gère également un gîte, pas cher, juge-t-elle utile de préciser. Nous apprenons l’évolution de sa profession, d’abord les vaches laitières, puis la culture de la betterave et maintenant l’élevage des charolaises. Les grues, « elle est née avec ». Même si elles font des dégâts, elles sont tolérées car elles servent d’appâts pour les touristes, en tout bien tout honneur.


 
La balade se poursuit. Nous avons opté pour les bottes utiles pour certains passages.


 
Le terrain est plat dans ce territoire parsemé d’étangs.

 


 

 Nous nous éternisons dans un poste d’observation. Même aux jumelles, il n’est pas toujours facile de reconnaître les oiseaux.


 
 Ils se tiennent en général à une distance respectable et nous manquons de connaissances. Nous attendons jeudi avec impatience pour profiter du savoir de notre guide ornithologue.


De retour au gîte, nous pique-niquons à nouveau au salon. Le petit parc doit être bien agréable en été mais trop humide aujourd’hui. Nous nous partageons les restes, chacun ayant jugé utile d’apporter cake, gâteau, fromage, pommes, œufs, tomates en plus de sa dînette de mardi midi.

Nous nous sommes promis de découvrir les églises à pans de bois qui font leur originalité. Elles datent pour la plupart du XVIème siècle et nécessitent un entretien au coût non négligeable pour le budget des communes

C’est d’abord celle de Châtillon sur Broué avec son grand porche entièrement fermé surmonté du clocher.



Châtillon by night
 

Un saut de puce nous amène à Outines où l’église s’impose par ses dimensions et sa masse impressionnante. Nous extirpons de nos portemonnaies 2 euros en petites pièces pour nous offrir une instructive visite audio-guidée avec éclairage. Un bel ensemble de maisons à pans de bois remarquablement restaurées entoure le bâtiment.
 




 




 

 
A  Drosnay, la large toiture à deux versants et la façade habillée de tavillons retiennent notre attention de même que les boiseries intérieures datant du XVIIIème siècle. Dommage que le splendide vitrail  du XVIème siècle soit en partie masqué par un autel surmonté d’un retable.


Nous voici à présent à Bailly le Franc. Nous n’empruntons pas l’échelle extérieure qui permettrait d’accéder aux combles  mais nous franchissons l’entrée protégée par un auvent qui couvre toute la façade. L’intérieur révèle le contraste entre les murs blancs qui donnent de la clarté et le plafond entièrement en bois. Un des vitraux représente une belle piéta du XVIème siècle.
 
 
Nous terminerons ce pèlerinage par l’église de Lentilles car nous craignons une indigestion culturelle. Ici, pas de transept. La couverture des bas-côtés est reliée à celle du porche décoré dans l’axe de l’entrée par une statue de St Jacques en pierre. Si la fausse voûte en plâtre datant du XIXème siècle n’avait pas été démontée en 1970, nous n’aurions jamais pu admirer le plafond en bois à motifs de losanges.
 
 
 
 
Ras le bol des nourritures spirituelles ; il faut penser à celle de nos estomacs. Bernard et Robert en parlaient depuis le départ. Qui dit Champagne dit boisson des grandes occasions. Ils nous gratifient d’un apéritif somptueux au grand désarroi de Daniel privé d’alcool par des mises en garde lues sur un remède. Brigitte dissipe ses inquiétudes avec des arguments convaincants : « Le sel, voilà l’ennemi mais une larme de ce nectar ne peut pas faire de mal. »   
 Le chef étant en congé, le menu s’en ressent mais nous n’allons pas jouer les clubs du troisième âge. Les repas peuvent passer au second plan.
 
Jeudi, 6h30, le réveil sonne. Marie (en réalité Sylvie) est absente mais elle nous a préparé un petit déjeuner de marcheur au long cours. Elle nous a laissé un petit mot d’excuse concernant l’aspect puzzle à reconstituer de son cake. Il se révélera un excellent reconstituant.
Nous allons faire connaissance avec Antoine notre guide ornithologue qui nous a donné rendez-vous à 9h30 au bord du lac de Der. Nous en avons entendu dire le plus grand bien.
 Il ne s'agit pas de le faire attendre. Nous y voilà, chaussés de bottes (une pensée pour Edith qui aura mal aux pieds toute la matinée), tous quinquets ouverts, prêts à être émerveillés... et nous le serons. Antoine nous met d’amblée à l’aise, s’enquérant de nos prénoms.
Il nous conduit sous un abri garni de posters d’oiseaux pour nous donner quelques informations d’ordre général
Les étangs de la Champagne humide ont, depuis toujours été un lieu d'accueil des espèces migratrices venant de la zone sub-boréale mais la chasse  et l'assèchement des marais leur étaient défavorables.
 
 
Depuis quelques années, les conditions écologiques sont devenues plus favorables : la création du lac du Der avec ses importantes vasières en hiver, la culture du maïs qui laisse sur le sol de nombreux grains ont permis, par exemple, à la population des grues cendrées de passer de 50 000 individus en 1997 à 350 000 aujourd'hui.
Nous ne verrons pas ces oiseaux emblématiques de la région : ils quittent leur dortoir au lever du soleil, et y reviennent vers 16h30, quand la lumière baisse ; pour nous il est donc trop tôt ou trop tard. Heureusement, nous avons pu les observer et les entendre,  la veille, en vol, formant de superbes V dignes de la Patrouille de France.
En route pour le premier observatoire au bord du lac, munis de nos jumelles et surtout de la lunette d 'Antoine. Nous y verrons   des oies cendrées, une colonie de vanneaux huppés, des sternes, des courlis  cendrés, de grandes aigrettes, des sarcelles d' hiver à la tête si colorée et dont la zone de nidification ( Pologne, Belgique) remonte vers le Nord, argument en faveur du réchauffement climatique.(une élévation de température de 1° entraîne un déplacement de la nidification de 160 km vers le Nord).

 
Alerte : Antoine fixe avec ses jumelles un vol d'oiseaux, réquisitionne la lunette, nous sommes tous en attente ; mais oui, c'est bien cela : les premiers cygnes de Bewik  viennent d'arriver ; ils sont 5, en provenance directe du cercle arctique. Ils hiverneront sur le lac.
Nous nous dirigeons ensuite vers un deuxième « spot », l'étang des Landres. Les étangs qui parsèment la région ont été créés au moyen âge par les moines cisterciens, et rachetés en 1970 par le Conservatoire du littoral.
L'avifaune y sera riche : Grand cormoran, grèbes huppés, grèbes castagneux (de la couleur de nos châtaignes) goéland  leucophée. Un éclair bleu traverse plusieurs fois le plan d'eau : c'est un Martin pécheur, magnifique petit oiseau aux couleurs métalliques mais qui ne voudra jamais se poser pour que nous puissions l'observer, au grand désespoir de Marie-Claire.
 
Une pause thé, café et madeleines permettra à notre guide de poser la question piège : « il existe en Champagne une espèce de Mouette endémique, laquelle ?? » Réponse à la fin de l’article.
Nous quittons Antoine avec regret et la promesse de revenir observer d'autres oiseaux au printemps, il y en a plus de 270 !!! A notre tour, nous dirons le plus grand bien d’Antoine qui a su allier compétences et qualités pédagogiques (n’oublions pas que nous étions 7 ex enseignants sur 8, pauvre Bernard !) sans oublier un grand sens du contact et de l’écoute avec ce qu’il faut d’humour.
 
Faites-vous plaisir ; consultez le site de notre guide !
Allez dans la rubrique NOS AMIS à la ligne  Antoine Cubaixo, ornithologue


Nous disons au revoir à Sylvie en la remerciant pour son accueil chaleureux et l’environnement agréable des pièces. L’absence de douche chaude  pour trois d’entre nous amène une belle ristourne sur la facture que nous partageons volontiers avec le reste du groupe.


 
 Nous voici sur le chemin du retour. Un arrêt sur un petit square de Montier en Der permet de terminer les restes des restes.
 
Nous avons programmé un arrêt à Langres, ville de garnison et lieu de naissance en 1713 de Denis Diderot, cité froide et fortifiée juchée sur un plateau.

 


 
Nous revenons aux voitures à l’égrenée. Nous voici tous réunis. Nous nous disons au revoir, chaque conducteur roulant sans se soucier de l’autre.
Comme le suggérait Brigitte, pourquoi pas une nouvelle escapade au printemps pour rencontrer d’autres oiseaux ?


 
A propos, la mouette endémique de Champagne c’est la…

Devinez qui  a trouvé la réponse.


Les photos ont été prises par Catherine, Marie-Thérèse, Daniel, Robert.
Les textes ont été écrits par Brigitte, Catherine, Daniel et Robert
 



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