Nous retrouvons la forêt de Planoise mais nous innovons sur un parcours entièrement à gauche de l'allée de l'Epousée. Que de noms chargés de mémoire, l'allée de l'Epousée, le Duel, et un autre cher à Pascal et Ghyslaine pour offrir du rêve à leurs enfants il y a maintenant quelque temps : le palais de Blanche Neige. Ce sera le but de notre circuit d'un peu plus d'une heure et quart. Et ce sera la deuxième fois que nous marcherons sous la neige, petit exploit par cet hiver qui n'en est pas un avec sa température moyenne battant tous les records de douceur.
Etirements sous une neige tombant à gros flocons.
Y'a pas que des bons moments en marche nordique ! |
M. de Saint- Victor appartient à une illustre et ancienne famille qui a connu des revers de fortune. Ancien officier des cuirassiers, il a dû accepter une situation subalterne : celle de régisseur d’une propriété de ses parents, les Talleyrand -Périgord. Laborieux, menant une existence rangée, M. de Saint-Victor, qui a conservé de la vie militaire le sens de la discipline, ne tolère pas que l’on chasse sur les terres qui lui sont confiées. Il est très strict sur ce point et c’est à la lettre qu’il veille à ce que les gardes qui sont sous ses ordres fassent appliquer le règlement.
M. Asselin est le fils de l’ ancien président du corps législatif. Il fréquente la haute bourgeoisie et, en son château de Montjeu (sur la commune de Broye en Saône-et-Loire ), mène joyeuse vie, dépensant beaucoup d’argent en fêtes grandioses. On le dépeint comme un rural nanti, esbroufeur et matamore, oisif et chasseur.
Le sanglier par qui le mal arrive
Mai 1881 : tout en poursuivant des sangliers, Asselin pénètre sur les terres des Talleyrand-Périgord. Un garde lui dresse aussitôt procès -verbal pour délit de chasse sans autorisation. Fort irrité, Asselin s’en prend alors au chef hiérarchique dudit garde ; s’ensuit un échange de billets peu amènes. Le ton s’envenime. Mortifié, Saint-Victor termine une de ses missives par : « Je vous serai obligé de terminer une correspondance dont mon éducation négligée ne me permet pas d’apprécier la finesse . » Asselin qui n’a guère le sens de l’humour traite Saint-Victor de sot et de lâche. Dès lors l’affront ne saurait être réparé que par les armes.
Au cœur de la forêt
18 mai 1881, 7 heures du matin. Asselin a pour témoin M. Bouillet, ancien secrétaire du président Schneider , et M. Ronger, riche propriétaire . M. De Saint-Victor a choisi M. Decouvoux, receveur des postes en retraite , et M. Verger, clerc de notaire à Autun. On se bat au sabre . A l’aube, M. de Saint-Victor a quitté sa demeure avec un de ses gardes, sans avoir prévenu son épouse des mortels risques de son programme du matin. Il a été convenu que le combat serait arrêté au premier sang. La rencontre ne durera en réalité que quelques secondes . Au premier choc, par un dégagement rapide , Asselin touche son adversaire en plein ventre . La force du coup est telle que la pointe du sabre s’enfonce jusqu ’à l’épine dorsale . Asselin n’écope , pour sa part, que de quelques égratignures à la joue et à la main . M. de Saint-Victor s’affaisse dans les bras de ses témoins. Les deux médecins qui assistaient au duel lui donnent les premiers soins . Transporté à la cure de Fragny, le blessé sort de l’évanouissement dans lequel l’a plongé la douleur pour murmurer : « J’ai mon affaire, qu’on aille chercher ma femme ! » Son agonie dure quatre heures.
Procès d’un bourgeois mal aimé
7 juillet 1881 : le procès d’Asselin s’ouvre à Chalon . Il est d’autant plus attendu que le mis en cause est exécré et qu’il s’agit en plus d’un procès peu banal. En effet, en matière de duel, une condamnation est exceptionnelle, surtout quand tout s’est passé selon les règles , comme ce fut apparemment le cas. Asselin est un gros gaillard au teint rougeaud, aux yeux fixes, et qui multiplie à l’envi et à dessein les fautes de français, n’hésitant pas à répéter : « mes témoins ont été loyals » ou « c’est moi que je suis malade », ce qui ne manque pas de cynisme. Le président lui rappelle son passé de violence (en sa qualité de lieutenant de louveterie , Asselin a eu maille à partir avec plusieurs propriétaires du pays), et le jeune homme – il est âgé de vingt -sept ans –, au suave caractère , après s’être battu avec un journaliste , a exprimé son regret de ne pas l’avoir tué… M e Carraby défend la veuve et sa petite fille ; il brosse le portrait d’un époux et d’un père modèle, d’un citoyen exemplaire tué par oisiveté en un combat douteux.
« Un duel loyal »
M e Lachaud qui défend Asselin prétend que le duel a été loyal. Comme il plaide devant un jury de petits cultivateurs, il dépeint finement Asselin comme un brave gars, pas fier, certes , un peu lourd, un peu brusque, mais qui est surtout… un grand chasseur de sangliers… ces maudits sangliers qui détruisent les récoltes… Bref… un gentil gars persécuté, en fait, par l’aristocratie du pays dont il dépeuple les bois en sa qualité de lieutenant de louveterie. C’est à quatre heures du matin, au terme de débats houleux, que le jury condamne Asselin à quatre mois de prison et à cent mille francs de dommages et intérêts … Il échappe à la réclusion ou aux travaux forcés à une voix près…
Article tiré du "Bien Public du 12/08/2012 :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire