Un projet routier au XVIIIe siècle

D'Autun à Toulon-sur-Arroux par Mesvres, tronçon entre La Tagnière et Saint-Eugène.
 
A différentes époques plus ou moins éloignées de notre XXIème siècle, des hommes ont créé des voies de communication qu’ils estimaient indispensables. Nous en avons modernisé certaines mais d’autres, plus ou moins abandonnées à partir des années 1950 revivent aujourd’hui sous nos pas de randonneurs. C’est l’histoire d’un tronçon de l’une d’elles qu’Alain a accepté de nous conter au cours d'une balade d'environ 8 km.
Pourquoi au XVIIIème siècle un projet de route d’Autun à Toulon sur Arroux par Mesvres alors que d’autres tracés existaient déjà ?
Une voie entre Autun et Digoin passant par Toulon sur Arroux subsistait depuis l’antiquité et on peut en voir quelques vestiges. Un autre ancien chemin d’Autun à Toulon passait par Etang sur Arroux sur la rive gauche de cette rivière. Un troisième itinéraire médiéval permettait d’aller de Mesvres à Toulon en suivant cette fois le pied des collines. Il faut croire que ces cheminements présentaient chacun  à leur manière des inconvénients
Un arrêté du Conseil du roi à partir de 1651 a permis aux Etats de Bourgogne de prendre en charge la politique routière de la Province, politique qui a connu une montée en puissance financière et technique à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle.
Cette nouvelle voie d’Autun à Toulon sur Arroux par Mesvres  s’inscrit dans le programme de 1784 comme un tronçon de l’itinéraire n° 16 de la Généralité de Champagne à la Généralité de Lyon par Châtillon sur Seine, Semur en Auxois, Saulieu, Autun, Digoin et Marcigny. Elle se présenterait également comme le trajet le plus court entre Paris et Lyon avec un prolongement par Charolles, La Clayette, le col des Echarmeaux.
Nous qui empruntons des tronçons de cet itinéraire à pied ou en voiture, sommes surpris par le profil accidenté de cette voie en particulier les rampes de Montjeu , ou le col de La Chapelle sous Uchon.
Les arguments avancés tiennent compte des moyens techniques et humains, de la longueur du parcours et de son coût.
Les zones inondables et les traversés de rivières étaient des obstacles avérés. On empruntait souvent les chaussées des étangs pour  éviter la construction coûteuse ou délicate de ponts et d’aqueducs et les fonds de vallées devenaient impraticables une bonne partie de l’année. Les dévers à mi- pente nécessitaient de gros travaux manuels de terrassement réalisés à l’occasion de corvées impopulaires.
Les passages en crête évitaient ces inconvénients mais d’autres conditions étaient nécessaires pour mener à bien l’entreprise. Comme écrit dans le paragraphe précédent, le recours à la corvée était systématique et mieux valait passer par des zones habitées pour trouver de la main d’œuvre. En outre, villages ou hameaux  pouvaient offrir gîte et couvert aux voyageurs. La création de lacets rend les pentes moins abruptes. Le chemin par Montjeu et Mesvres se révèle le plus court.
Ne croyez pas que le projet ait été accepté d’emblée. Des habitants lésés par le tracé, des propriétaires contrariés par la traversée de leurs propriétés, des partisans de tel ou tel tracé ont  marqué leur opposition.
De l’avant-projet à la fin des travaux c'est-à-dire de 1756 à 1789 il se sera écoulé 33 ans.
Parmi les ingénieurs concernés, citons Le Jolivet, auteur de l’avant-projet, Dumoret, chef de service et Emiland Gauthey, concepteur  également du canal du Centre.
Après la dépose de voitures à la fin du parcours, nous nous retrouvons 20 au pied de la Voie Royale, la mal nommée, peut-être parce qu’elle a été inscrite au cadastre de 1830, époque de la Restauration. Elle est agréable et monte modérément. Son tracé a parfois été légèrement modifié. Nous retombons sur la D 46. La D 256 et la D 46 épousent une bonne partie de cette voie du XVIIIème siècle. Nous quittons rapidement la départementale mais des chemins fermés nous contraignent à un crochet sur une voie communale goudronnée. Nous retrouvons un chemin de terre et nous tournons à gauche au Haut du Roi en direction du Mast. Nous sommes sur le véritable itinéraire que nous n’avons pas pu suivre à cause de passages embroussaillés (Pas d’attilas dans le secteur). Nous contournons une digue abandonnée et arrivons à Corcelles.  Nos voitures n’ont pas été positionnées tout à fait au bon endroit pour le retour mais cela  n’a pas beaucoup d’importance.
Quelques mots sur notre guide, Alain. Il nous aura fait comprendre la démarche de ces concepteurs de routes à travers les siècles, chaque génération agissant en fonction des contraintes de l’époque. Encore merci pour la clarté de son exposé et sa disponibilité.
Les à-côtés : 2 jeunes campeurs (il fallait avoir envie) stationnant leur véhicule à côté des nôtres nous ont emboîté le pas mis en confiance par nos mines pacifiques. Mal leur en a pris. Nous allions à l’opposé de leur but. Après quelques échanges, nous les avons convaincus de continuer en direction de Dettey, notre village fétiche.
Jeudi, nous marchions manches relevées, aujourd’hui, c’étaient gants et bonnets à cause d’un vent froid et d’une pellicule brunâtre masquant le soleil, certainement ce nuage polluant qui recouvre une grande partie de la France.
Fin de balade chez Brigitte et Robert, les locaux de l’étape et les instigateurs de la balade. Du thé, du café, du cidre, des gâteaux et surtout une douce chaleur. Nous avons apprécié et eu de la peine à quitter ce nid douillet.
 
Un cercle studieux

Alain, notre guide bénévole
de la Société d'Histoire Naturelle du Creusot
et de la Société Eduenne.
Les randonneurs suivent le tracé décrit sur un plan

Cette maison a-t-elle connu l'animation du chemin ?
Commentaire d'Alain, notre guide, adressé à Brigitte organisatrice de la balade

Oui, dommage pour le temps, d'autant que le soleil était radieux ce
dimanche!

L'intérêt que porte le public pour l'histoire des chemins, quand on lui en
parle, est en partie dû au fait qu'il a une impression de découverte, de
"jamais entendu". J'ai souvent pu mesurer à quel point le nom des
ingénieurs - à part Gauthey - et des architectes des 18e et 19e siècles
restaient ignorés du grand public. Je pense que beaucoup de gens découvrent
que le chemin a une réalité historique, archéologique, qui est pour ainsi
dire à portée de main, pour peu qu'on s'en donne la peine; or c'est un thème
complètement délaissé par les historiens locaux.

Les photocopies sont d'un coût dérisoires; quant aux documents plastifiés,
je les garde pour une réutilisation éventuelle. Enfin, je crois avoir été
plus que correctement remercié, ce qui n'est pas toujours le cas, et j'y
suis d'autant plus sensible.

Au plaisir d'une autre sortie commentée donc!

Bonne journée et amicalement

Alain
 
 

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