Confinement oblige.


Marche douce, jeudi 26 mars
13h54. Je me prépare à partir pour cette première marche douce du printemps 2020. Il n’a pas plu depuis plusieurs jours, le terrain doit être sec donc inutile de mettre mes pataugas. Des chaussures légères suffiront. Pas de bâtons non plus, le dénivelé annoncé est quasi nul. En revanche, un petit vent frisquet du nord-est m’incite à la prudence, j’enfile un gilet.
13h58. La voiture reste au garage, je peux me rendre à pieds au point de départ,  c’est tout près de la maison. Bizarre, bizarre (oui, j’ai dit bizarre) il n’y a personne que moi. Je suis pourtant à l’heure. Je patiente les deux minutes qui restent. Toujours personne. Tant pis. Je ne me suis pas préparée pour rien, je la ferai donc seule cette petite randonnée.
14h. Le circuit commence par la montée de cinq marches. C’est la seule difficulté que j’aurai à rencontrer. Je les gravis alertement même sans bâtons. Pas le moindre essoufflement ni la moindre douleur du côté des quadriceps et sartorius. Il fait beau, le printemps est au rendez-vous, j’inspire une bonne rasade d’air frais. Le circuit longe un mur sur la droite puis bifurque à angle droit sous les branches emmêlées d’un lilas et d’un prunier. Je m’arrête, les observe. Lequel des deux déploiera le premier ses feuilles et ses fleurs. Le lilas est en tête de course, il arbore déjà un feuillage modeste et de minuscules grappes de boutons. Je passe près d’un bouleau à la peau blanche finement rayée de gris, un lierre accroché à son pied s’est lancé dans l’ascension  de sa face nord. Une nouvelle pause d’observation s’impose : des gendarmes en uniforme rouge et noir du bataillon des Pyrrhocoris apterus vont et viennent sans que je comprenne vraiment leur mission alors que d’autres sont au mess et se partagent un lombric. Le sol sous mes semelles  est souple,  un peu d’herbe, beaucoup de mousse. Les oiseaux s’en donnent à cœur joie, ça cuicuite, ça gazouille, ça roucoule et ça pépie, ça bourdonne aussi. Je frôle en passant les branches d’un laurier-sauce et passe ma main dans le buisson de sauge, ça  sent bon le plat qui mijote. Je tourne à gauche et passe près d’un vieux pommier. Du muguet pointe déjà son nez. Au pied du mur d’une cabane, un tapis d’anémones des bois et un petit mahonia. Des bûcherons sont passés par là et empilé du bois   . Un magnolia sans âge fait le beau et arbore ses fleurs blanches. Le lupin est plus discret, il attend son heure comme le pissenlit attend un souffle de vent pour aller voir ailleurs. Le bleu du muscari rivalise avec le rose du cognassier du Japon. Trois slips et quatre chemises sèchent sur le fil à linge des voisins. Tout là-haut à l’angle du toit, un moineau fait le guet comme tous les jours à la même heure. De son perchoir il observe mon petit  carré de jardin. J’ai battu tous les records des marches douces les plus courtes. 0km0400. Qui dit mieux ?
Catherine








































3 commentaires:

Durix a dit…

Merci pour ce compte-rendu détaillé prouvant que l'aventure est au coin de la rue pour qui sait regarder et apprécier le moindre détail.
A bientôt pour d'autres récits de voyage.
M T

Michelle Vailleau a dit…

Le confinement a du bon, il permet des divagations poétiques et littéraires inattendues, à défaut de sentiers champêtres... Merci Catherine, pour cette belle récré dans un dimanche bien morne !
A qui le tour ?

Michelle

Anonyme a dit…

Quel beau texte et que d'imagination
.l'esprit peut faire une belle échappée même dans un périmètre restreint quand on peut ouvrir tout ses sens â ce qui nous entoure.
Ét toi tu possèdes en plus l'écriture.
Merci pour ce joli moment.
Prend soin de toi.
MartineS